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Read Ebook: Le roi des montagnes by About Edmond

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Ebook has 1090 lines and 67000 words, and 22 pages

Release date: January 21, 2024

Original publication: Paris: Hachette, 1925

BIBLIOTH?QUE VERTE NOUVELLE BIBLIOTH?QUE D'?DUCATION ET DE FORMATION

LE ROI DES MONTAGNES

PAR EDMONT ABOUT

LIBRAIRIE HACHETTE

DANS LA M?ME COLLECTION

VOLUMES PARUS:

UN DRAME EN LIVONIE par Jules Verne CONTES CHOISIS par Erckmann-Chatrian HISTOIRE D'UN ANE ET DE DEUX JEUNES FILLES par P.-J. Stahl LE CAPITAINE PAMPHILE par Alexandre Dumas LE TR?SOR DE MADELEINE par Pierre Ma?l LA DISPARITION DU GRAND KRAUSE par Jules Girardin CONTES CHOISIS par Alphonse Daudet PENDRAGON par A. Assollant LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARSCH par P.-J. Stahl ROBINSONS DE TERRE FERME par Mayne-Reid L'ILE AU TR?SOR par R.-L. Stevenson LES FAUX D?M?TRIUS par Prosper M?rim?e R?CITS H?RO?QUES par Jules Claretie LA CAGNOTTE par Eug. Labiche VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE par Jules Verne LES CAHIERS DU CAPITAINE COIGNET par Lor?dan-Larchey REINE EN SABOTS par Gustave-Toudouze LE MYST?RE DE LA CHAUVE-SOURIS par Gustave-Toudouze LE CAPITAINE TRAFALGAR par Andr? Laurie IVANHO? par Walter Scott LE CHANCELLOR par Jules Verne LA CHASSE AU M?T?ORE par Jules Verne LES ROBINSONS DE LA SOMME par Eug. Thebault EUG?NIE GRANDET par H. de Balzac LA MARMOTTE par Pierre Ma?l

Copyright by Librairie Hachette, 1925.

Tous droits de traduction, de reproduction, et d'adaptation r?serv?s pour tous pays.

LE ROI DES MONTAGNES

CHAPITRE PREMIER

M. HERMANN SCHULTZ

<>

Cet exorde p?n?tra mon coeur d'une douce joie; la voix de l'?tranger me parut plus m?lodieuse que la musique de Mozart, et je dirigeai vers ses lunettes d'or un regard ?tincelant de reconnaissance. Vous ne sauriez croire, ami lecteur, combien nous aimons ceux qui ont pris la peine de d?chiffrer notre grimoire. Quant ? moi, si j'ai jamais souhait? d'?tre riche, c'est pour assurer des rentes ? tous ceux qui m'ont lu.

Je le pris par la main, cet excellent jeune homme. Je le fis asseoir sur le meilleur banc du jardin, car nous en avons deux. Il m'apprit qu'il ?tait botaniste et qu'il avait une mission du Jardin des Plantes de Hambourg. Tout en compl?tant son herbier, il avait observ? de son mieux le pays, les b?tes et les gens. Ses descriptions na?ves, ses vues, courtes mais justes, me rappelaient un peu la mani?re du bonhomme H?rodote. Il s'exprimait lourdement, mais avec une candeur qui imposait la confiance; il appuyait sur ses paroles du ton d'un homme profond?ment convaincu. Il put me donner des nouvelles, sinon de toute la ville d'Ath?nes, au moins des principaux personnages que j'ai nomm?s dans mon livre. Dans le cours de la conversation, il ?non?a quelques id?es g?n?rales qui me parurent d'autant plus judicieuses que je les avais d?velopp?es avant lui. Au bout d'une heure d'entretien, nous ?tions intimes.

Je ne sais lequel de nous deux pronon?a le premier le mot de brigandage. Les voyageurs qui ont couru l'Italie parlent peinture; ceux qui ont visit? l'Angleterre parlent industrie: chaque pays a sa sp?cialit?.

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--Vous ?tes vraiment trop bon, lui dis-je, et mes deux oreilles sont ? vos ordres. Entrons dans mon cabinet de travail. Nous y aurons moins chaud qu'au jardin, et cependant l'odeur des r?s?das et des pois musqu?s arrivera jusqu'? nous.>>

Il me suivit de fort bonne gr?ce, et tout en marchant, il fredonnait en grec un chant populaire:

Un Clephte aux yeux noirs descend dans les plaines; Son fusil dor? sonne ? chaque pas; Il dit aux vautours: <>

Il s'?tablit sur un divan, replia ses jambes sous lui, comme les conteurs arabes, ?ta son paletot pour se mettre au frais, alluma sa pipe et commen?a le r?cit de son histoire. J'?tais ? mon bureau, et je st?nographiais sous sa dict?e.

J'ai toujours ?t? sans d?fiance, surtout avec ceux qui me font des compliments. Toutefois l'aimable ?tranger me contait des choses si surprenantes, que je me demandai ? plusieurs reprises s'il ne se moquait pas de moi. Mais sa parole ?tait si assur?e, ses yeux bleus m'envoyaient un regard si limpide, que mes ?clairs de scepticisme s'?teignaient au m?me instant.

On vint nous annoncer que le d?jeuner ?tait servi. Hermann s'assit en face de moi, et les l?gers soup?ons qui me trottaient par la t?te ne tinrent pas devant son app?tit. Je me disais qu'un bon estomac accompagne rarement une mauvaise conscience. Le jeune Allemand ?tait trop bon convive pour ?tre narrateur infid?le, et sa voracit? me r?pondait de sa v?racit?. Frapp? de cette id?e, je confessai, en lui offrant des fraises, que j'avais dout? un instant de sa bonne foi. Il me r?pondit par un sourire ang?lique.

Je passai la journ?e en t?te-?-t?te avec mon nouvel ami, et je ne me plaignis pas de la lenteur du temps. A cinq heures du soir, il ?teignit sa pipe, endossa son paletot, et me serra la main en me disant adieu. Je lui r?pondis:

<

--Non pas, reprit-il en secouant la t?te: je pars aujourd'hui par le train de sept heures, et je n'ose esp?rer de vous revoir jamais.

--Laissez-moi votre adresse. Je n'ai pas encore renonc? aux plaisirs du voyage, et je passerai peut-?tre par Hambourg.

--Malheureusement, je ne sais pas moi-m?me o? je planterai ma tente. L'Allemagne est vaste; il n'est pas dit que je resterai citoyen de Hambourg.

--Mais, si je publie votre histoire, au moins faut-il que je puisse vous en envoyer un exemplaire.

--Ne prenez pas cette peine. Sit?t que le livre aura paru, il sera contrefait ? Leipzig, chez Wolfgang Gerhard, et je le lirai. Adieu.>>

Lui parti, je relus attentivement le r?cit qu'il m'avait dict?; j'y trouvai quelques d?tails invraisemblables, mais rien qui contred?t formellement ce que j'avais vu et entendu pendant mon s?jour en Gr?ce.

Dans ces perplexit?s, je pris le parti de faire deux copies du manuscrit. J'envoyai la premi?re ? un homme digne de foi, un Grec d'Ath?nes, M. Patriotis Pseftis. Je le priai de me signaler, sans m?nagement et avec une sinc?rit? grecque, toutes les erreurs de mon jeune ami, et je lui promis d'imprimer sa r?ponse ? la fin du volume.

En attendant, je livre ? la curiosit? publique le texte m?me du r?cit d'Hermann. Je n'y changerai pas un mot, je respecterai jusqu'aux plus ?normes invraisemblances. Si je me faisais le correcteur du jeune Allemand, je deviendrais, par le fait, son collaborateur. Je me retire discr?tement; je lui c?de la place et la parole; mon ?pingle est hors du jeu: c'est Hermann qui vous parle en fumant sa pipe de porcelaine et en souriant derri?re ses lunettes d'or.

CHAPITRE II

PHOTINI

L'arm?e d'occupation avait fait rench?rir toutes choses dans Ath?nes. L'h?tel d'Angleterre, l'h?tel d'Orient, l'h?tel des ?trangers, ?taient inabordables. Le chancelier de la l?gation de Prusse, ? qui j'avais port? une lettre de recommandation, fut assez aimable pour me chercher un logement. Il me conduisit chez un p?tissier appel? Christodule, au coin de la rue d'Herm?s et de la place du Palais. Je trouvai l? le vivre et le couvert moyennant cent francs par mois. Christodule est un vieux pallicare, d?cor? de la croix de Fer, en m?moire de la guerre de l'Ind?pendance. Il est lieutenant de la phalange, et il touche sa solde derri?re son comptoir. Il porte le costume national, le bonnet rouge ? gland bleu, la veste d'argent, la jupe blanche et les gu?tres dor?es, pour vendre des glaces et des g?teaux. Sa femme, Maroula, est ?norme, comme toutes les Grecques de cinquante ans pass?s. Son mari l'a achet?e quatre-vingts piastres, au plus fort de la guerre, dans un temps o? ce sexe co?tait assez cher. Elle est n?e dans l'?le d'Hydra, mais elle s'habille ? la mode d'Ath?nes: veste de velours noir, jupe de couleur claire, un foulard natt? dans les cheveux. Ni Christodule ni sa femme ne savent un mot d'allemand; mais leur fils Dimitri, qui est domestique de palace, et qui s'habille ? la fran?aise, comprend et parle un peu tous les patois de l'Europe. Au demeurant, je n'avais pas besoin d'interpr?te. Sans avoir re?u le don des langues, je suis un polyglotte assez distingu?, et j'?corche le grec aussi couramment que l'anglais, l'italien et le fran?ais.

Mes h?tes ?taient de braves gens; il s'en rencontre plus de trois dans la ville. Ils me donn?rent une petite chambre blanchie ? la chaux, une table de bois blanc, deux chaises de paille, un bon matelas bien mince, une couverture et des draps de coton. Un bois de lit est une superfluit? dont les Grecs se privent ais?ment, et nous vivions ? la grecque. Je d?jeunais d'une tasse de salep, je d?nais d'un plat de viande avec beaucoup d'olives et de poisson sec; je soupais de l?gumes, de miel et de g?teaux. Les confitures n'?taient pas rares dans la maison, et, de temps en temps, j'?voquais le souvenir de mon pays, en me r?galant d'un gigot d'agneau aux confitures. Inutile de vous dire que j'avais ma pipe, et que le tabac d'Ath?nes est meilleur que le v?tre. Ce qui contribua surtout ? m'acclimater dans la maison de Christodule, c'est un petit vin de Santorin, qu'il allait chercher je ne sais o?. Je ne suis pas gourmet, et l'?ducation de mon palais a ?t? malheureusement un peu n?glig?e; cependant je crois pouvoir affirmer que ce vin-l? serait appr?ci? ? la table d'un roi: il est jaune comme l'or, transparent comme la topaze, ?clatant comme le soleil, joyeux comme le sourire d'un enfant. Je crois le voir encore dans sa carafe au large ventre, au milieu de la toile cir?e qui nous servait de nappe. Il ?clairait la table, mon cher monsieur, et nous aurions pu souper sans autre lumi?re. Je n'en buvais jamais beaucoup parce qu'il ?tait capiteux; et pourtant, ? la fin du repas, je citais des vers d'Anacr?on et je d?couvrais des restes de beaut? sur la face lunaire de la grosse Maroula.

Je ne parle que pour m?moire du petit William Lobster. C'?tait un ange de vingt ans, blond, rose et joufflu, mais un ange des ?tats-Unis d'Am?rique. La maison Lobster et Sons, de New-York, l'avait envoy? en Orient pour ?tudier le commerce d'exportation. Il travaillait dans la journ?e chez les fr?res Philip; le soir, il lisait Emerson; le matin, ? l'heure ?tincelante o? le soleil se l?ve, il allait ? la maison de Socrate tirer le pistolet.

Un seul trait entre mille vous peindra le caract?re de Harris. En 1853, il ?tait l'associ? d'une maison de Philadelphie. Son neveu, qui avait alors dix-sept ans, va lui faire une visite. Il le trouve sur la place Washington, debout, les mains dans les poches, devant une maison qui br?le. William lui frappe sur l'?paule; il se retourne.

<

--Que vas-tu faire? demanda l'enfant atterr?.

--Ce que je vais faire? Il est onze heures, j'ai faim, il me reste un peu d'or dans mon gousset; je vais t'offrir ? d?jeuner!>>

Harris est un des hommes les plus sveltes et les plus ?l?gants que j'aie jamais rencontr?s. Il a l'air m?le, le front haut, l'oeil limpide et fier. Ces Am?ricains ne sont jamais ni ch?tifs ni difformes; et savez-vous pourquoi? C'est qu'ils n'?touffent pas dans les langes d'une civilisation ?troite. Leur esprit et leur corps se d?veloppent ? l'aise; ils ont pour ?cole le grand air, pour ma?tre l'exercice, pour nourrice la libert?.

Je n'ai jamais pu faire grand cas de M. M?rinay; j'examinais Giacomo Fondi avec la curiosit? indiff?rente qu'on apporte dans une m?nagerie d'animaux exotiques; le petit Lobster m'inspirait un int?r?t m?diocre; mais j'avais de l'amiti? pour Harris. Sa figure ouverte, ses mani?res simples, sa rudesse qui n'excluait pas la douceur, son caract?re emport? et cependant chevaleresque, les bizarreries de son humeur, la fougue de ses sentiments, tout cela m'attirait d'autant plus vivement que je ne suis ni fougueux ni passionn?: nous aimons autour de nous ce que nous ne trouvons pas en nous. J'adore les Am?ricains parce que je suis Allemand.

Malheureusement la cour ne dansa pas de toute la saison. Les plaisirs de la vie furent la floraison des amandiers et des citronniers. On parlait vaguement, d'un grand bal pour le 15 mai; c'?tait un bruit de ville, accr?dit? par quelques journaux semi-officiels; mais il n'y fallait pas compter.

Mes ?tudes marchaient comme mes plaisirs, au petit pas. Je connaissais ? fond le jardin botanique d'Ath?nes, qui n'est ni tr?s beau ni tr?s riche; c'est un sac qu'on a bient?t vid?. Le jardin royal offrait plus de ressources: un Fran?ais intelligent y a rassembl? toutes les richesses v?g?tales du pays, depuis les palmiers des ?les jusqu'aux saxifrages du cap Sunium. J'ai pass? l? de bonnes journ?es au milieu des plantations de M. Bareaud. Le jardin n'est public qu'? certaines heures; mais je parlais grec aux sentinelles, et pour l'amour du grec on me laissait entrer. M. Bareaud ne s'ennuyait pas avec moi; il me promenait partout pour le plaisir de parler botanique et de parler fran?ais. En son absence, j'allais chercher un grand jardinier maigre, aux cheveux ?carlates, et je le questionnais en allemand; il est bon d'?tre polyglotte.

Notre excellent Christodule apprit avec un vrai chagrin la mort des deux chevaux; mais il ne trouva pas une parole de bl?me pour les meurtriers. <> Tous les Grecs sont un peu de l'avis de notre h?te. Ce n'est pas que les brigands ?pargnent leurs compatriotes et r?servent leurs rigueurs pour les ?trangers; mais un Grec d?pouill? par ses fr?res se dit, avec une certaine r?signation, que son argent ne sort pas de la famille. La population se voit piller par les brigands comme une femme du peuple se sent battre par son mari, en admirant comme il frappe bien. Les moralistes indig?nes se plaignent de tous les exc?s commis dans la campagne comme un p?re d?plore les fredaines de son fils. On le gronde tout haut, on l'aime tout bas; on serait bien f?ch? qu'il ressembl?t au fils du voisin, qui n'a jamais fait parler de lui.

C'est un fait tellement vrai, qu'? l'?poque de mon arriv?e le h?ros d'Ath?nes ?tait pr?cis?ment le fl?au de l'Attique. Dans les salons et dans les caf?s, chez les barbiers o? se r?unit le petit peuple, chez les pharmaciens o? s'assemble la bourgeoisie, dans les rues bourbeuses du bazar, au carrefour poudreux de la Belle-Gr?ce, au th??tre, ? la musique du dimanche et sur la route de Patissia, on ne parlait que du grand Hadgi-Stavros, on ne jurait que par Hadgi-Stavros; Hadgi-Stavros l'invincible, Hadgi-Stavros effroi des gendarmes; Hadgi-Stavros le roi des montagnes! On aurait pu faire les litanies d'Hadgi-Stavros.

Un dimanche que John Harris d?nait avec nous, c'?tait peu de temps apr?s son aventure, je mis le bon Christodule sur le chapitre d'Hadgi-Stavros. Notre h?te l'avait beaucoup fr?quent? autrefois, pendant la guerre de l'ind?pendance, dans un temps o? le brigandage ?tait moins discut? qu'aujourd'hui.

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