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Read Ebook: L'Écrivain by Mille Pierre

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Ebook has 477 lines and 31558 words, and 10 pages

--Non pas! Pour une raison qui me para?t ?vidente: qu'il ait du talent ou n'en ait pas; qu'il produise, ne produise pas, ou fort peu; que sa plume lui procure le pain quotidien ou en soit incapable, cela ne l'emp?che pas de n'?tre qu'?crivain. Un ouvrier qui ch?me, volontairement ou involontairement, n'en est pas moins un ouvrier, et n'est que cela.

--A moins qu'il n'ait d'autres cordes ? son arc, et qu'on ne le condamne pour vagabondage sp?cial. Auquel cas il serait un ouvrier amateur: cela se voit...

--Je vous parle s?rieusement.

--Je vous demande pardon; il est vrai que le sujet est grave, et que je n'aurais pas d? plaisanter. Vous avez raison. En fait, si Rothschild ou le roi d'Angleterre se mettaient ? ?crire cinq ou six beaux romans, ou ? peindre ? fresque comme Michel-Ange, on serait bien forc? de ne pas les consid?rer comme des amateurs. Ils auraient deux professions parall?les, ?galement s?rieuses, reconnues ?galement: celle de banquier ou de souverain, et celle d'artiste ou d'auteur... Mais alors, o? est l'amateur? Je vous en supplie, dites-le-moi!

--Vous me troublez. C'est peut-?tre une esp?ce qui n'existe pas, comme celle du serpent de mer.

--Mais le serpent de mer existe! Du moins cela est assez probable: on l'a vu, mais on ne l'a pas pris, voil? tout. Et il semblerait tout d'abord qu'il y ait un degr? de plus en faveur de l'existence de l'amateur: on peut le voir, et le prendre sur le fait.

--En v?rit??

--En v?rit?! On pourrait valablement soutenir que l'amateur est celui qui, ayant ?crit n'importe quoi, va trouver un ?diteur et, au lieu d'exiger d'?tre pay? pour son ouvrage, consent ? payer pour ?tre publi?. Il peut m?me aller plus loin, si ses moyens le lui permettent: il peut d?penser, en publicit?, pour faire conna?tre ses ?crits, et leur procurer des lecteurs, des sommes plus ou moins importantes... C'est ? cet ?crivain-l? que doit ?tre r?serv? le nom d'amateur. Inutile de dire qu'il est tenu, par les v?ritables professionnels, pour un fl?au.

--Je le con?ois...

--Oui, oui...

--Vous n'avez pas l'air d'en ?tre convaincu?

--C'est que je ne le suis pas! Pamphile, r?fl?chissez! Combien est-il, par an, de volumes de vers dont les ?diteurs ont consenti ? solder les frais d'impression? Et la plupart de leurs auteurs, pourtant, ne sont que po?tes, rien que po?tes. Alors dites que tout po?te est un amateur! Mais dans ce cas le terme sera un honneur au lieu d'?tre une injure.

--Il faudrait donc faire exception pour les po?tes?

<

<

--Rien de plus certain. Mais quand ils ont du g?nie, ou m?me du talent, cela se voit, cela se sait. Ils sont alors class?s comme professionnels, accueillis comme tels par les libraires et par le public... Le v?ritable amateur serait donc celui qui continue ? payer pour ?diter ses livres parce que--ce qui ne saurait rien prouver du reste contre l'int?r?t qu'ils peuvent avoir--ceux-ci ne trouvent pas un public suffisant.

--Pamphile, votre lucidit? et votre bon sens sont vraiment louables.>>

CHAPITRE IV

LA PROFESSION <>

Pamphile fait toutes choses s?rieusement. A peine est-il rassur? sur le danger qu'il y aurait pour lui d'?tre trait? d'amateur, et persuad? ? peu pr?s que d?cid?ment ne sont tenus pour tels que les ?crivains qui ont trop de fortune et peu de talent, qu'il m'apporte les r?sultats d'une vaste enqu?te, publi?e par un journal, sur cette question: <>

Il me la veut faire lire. Je repousse, avec terreur, cet amas de coupures.

<

--A vrai dire, pas grand'chose. Il est difficile de se faire une opinion ? travers tant d'opinions qui se contredisent. Certains se contentent d'affirmer: <>

--Ce sont des sages.

--D'autres ?crivent: <> Et ils citent un tel et un tel, sans s'oublier. D'autres protestent: <>

--Il se pourrait que cette diversit? d'appr?ciation provienne de ce que la question est mal pos?e.

--Mal pos?e?

--Oui. On aurait d? demander: <> En fait, lorsqu'on commence ? ?crire, il est bien rare--? moins de poss?der une fortune qui vous garantisse l'avenir--qu'on n'adopte m?me temps une profession moins al?atoire, et qui constitue ce qu'on pourrait appeler une assurance. Si le succ?s favorise l'?crivain, il abandonne cette profession. Si, pour un motif quelconque, ce succ?s se fait attendre, ou, si c'est, comme on dit, <>, il y pers?v?re. Elle peut alors devenir, avec les ann?es, un fardeau p?nible. Il arrive pourtant qu'on puisse porter les deux faix vaillamment: t?moin M. ?douard Estauni?, dont je vous parlais l'autre jour, et qui ne s'est jamais plaint de construire des lignes t?l?graphiques alors qu'il poursuivait la carri?re de romancier. M. Marcel Pr?vost, de son c?t?, commen?a par ?tre ing?nieur des Tabacs, et je crois me souvenir que Zola fut commis de librairie.

--Il s'agit, si je vous comprends, du pain quotidien?

--D'abord. Mais aussi de l'ind?pendance de l'esprit! Il vaut mieux s'ennuyer huit heures par jour dans une administration ou un magasin, que de consacrer ces huit heures ? des ouvrages qui n'ont de litt?raire que le nom, o? l'on se g?te la main, o? l'on avilit son cerveau... Et puis, il y a une troisi?me raison, plus importante encore... Pamphile, que connaissez-vous de la vie? Ou, pour employer des termes plus ?troits, combien d'hommes--et de femmes--connaissez-vous?

--Belle question!... Mes camarades. Et puis ceux et celles que je rencontre dans le monde et chez ma m?re. En somme, ma famille, des amis, des amies et de petites femmes.

--Un tout petit milieu et qui, sauf exception, ne se montre que par le dehors. Une profession, quelle qu'elle soit, vous oblige ? fr?quenter un plus grand nombre d'humains, ? les voir agir, ? p?n?trer au moins quelques-uns des motifs de leurs actions. Elle vous fait entrer en contact, sinon avec la soci?t?, du moins avec une partie d?termin?e, d?limit?e, de la soci?t?.

--Cela, en effet, ne doit pas ?tre sans avantages.

--Il y a aussi les officiers de marine...

--Il y a aussi, comme vous dites, les officiers de marine. Il semble m?me, pour peu qu'on y songe, que ces deux carri?res, celle de la diplomatie et celle de la marine de l'?tat, soient particuli?rement favorables ? l'?closion d'une vocation litt?raire. Nous avons eu Loti, nous avons Farr?re. La diplomatie vient de nous donner Giraudoux et Morand, ce qui n'est pas rien.

--Il est vrai.

--Si vous voulez bien y r?fl?chir, cela est tout naturel. C'est un truisme de dire que le Fran?ais est casanier. Cependant--surtout depuis le romantisme--les spectacles de l'exotisme ne constituent-ils pas une mati?re in?puisable aux r?actions de la sensibilit?, donc ? litt?rature? Une fois qu'on est sur un bateau, ces spectacles s'imposent aux yeux, et, en dehors des heures de quart, on a des loisirs... Car, ceci ne doit pas ?tre oubli?, la profession <> doit laisser des loisirs suffisants pour qu'on puisse ?crire.

<>, o? l'on peut mouiller pr?s du bord, envoyer facilement le poste-aux-choux chercher des vivres frais, et prendre contact rapidement avec la partie f?minine de la population. Un <> pays, y e?t-il de l'or et des perles ? l'int?rieur, est alors celui o? l'on ne d?barque pas ais?ment. Son navire l'?vite.

<>, ou les officiels: un Tout-Paris, un Tout-Londres, un Tout-Rome, un Tout-Ath?nes ou un Tout-Mexico d'autant plus estimable ? leurs yeux qu'il est plus restreint. C'est ce petit monde, assez artificiel, qu'ils verront surtout. Pour d'autres causes que celui de l'officier de marine, il est ?galement teint? de cosmopolitisme.

--Est-ce une critique?

--Non pas. J'essaie seulement de comprendre, et de faire comprendre. Et ma conviction est qu'au fond l'essentiel n'est pas dans ce qu'on voit, mais dans la mani?re dont on le voit--dans ce qu'on nomme, d'un seul mot, le talent, c'est-?-dire une forme in?dite de sensibilit?, un don de vision original.

--Pour r?sumer, vous consid?rez que les professions d'officier de marine et de diplomate sont plus sp?cialement litt?raires?

--Pour le moment! Cela peut changer avec les ?poques. Il y a vingt ans, le lecteur fran?ais se moquait pas mal de savoir comment vivait et r?agissait, chez lui, sur son sol, un Anglais ou un Allemand. Il se contentait, ? leur ?gard, de clich?s de th??tre. Le bouleversement de la guerre a chang? tout cela. Nous voulons qu'on nous montre de vrais Anglais, de vrais Allemands. Mais si les suites de la guerre transforment--comme il appara?t--notre soci?t? fran?aise, ce seront sans doute les Fran?ais qui redeviendront pour eux-m?mes le plus int?ressant sujet d'?tude. Et dans ce cas les meilleurs postes d'observation, pour un ?crivain, seront les carri?res d'avou?, d'avocat--peut-?tre m?me de sous-pr?fet, si les sous-pr?fets existent encore!>>

CHAPITRE V

PREMIERS ESSAIS, PREMIERS ?CHECS

Un ?v?nement qu'on peut qualifier d'enti?rement inattendu pr?cipita en quelque mesure les premiers essais de Pamphile. Je re?us de sa m?re une lettre attendrissante. Pamphile a vingt-trois ans. Ce n'est pas, d'ordinaire, l'?ge de la grande passion, mais c'est celui des sottises que l'on prend au s?rieux: Pamphile avait <>. Sa m?re a le bonheur d'?tre n?e dans une province, et un milieu, qui retardent sur Paris de deux d?cades au moins. Il y a vingt ans, aux jours de sa jeunesse, les moeurs et le style des femmes y ?taient rest?s tels que sous le second Empire. C'est donc en phrases touchantes, qui rappelaient ? la fois celles de M. Octave Feuillet et du journal de Marguerite avant sa premi?re communion, que mon amie m'avertissait, me demandant conseil, de ce f?cheux ?v?nement: <>

Je courus chez elle, non seulement pour lui apporter les consolations d'usage, mais lui jurer, d'un coeur sinc?re, qu'elle ne se devait pas frapper.

<

--J'en suis s?r!

--H?las, c'est une femme si dangereuse!... D'ailleurs, toutes les femmes sont dangereuses!>>

... Si vous voulez entendre dire du mal des femmes, beaucoup plus, avec exemples et preuves ? l'appui, que vous n'en pourriez entendre de la bouche de l'homme le plus misogyne, il n'y a qu'? ?couter une m?re de famille! Mais je refusai d'entendre, plus longtemps que les devoirs d'une ?l?mentaire courtoisie ne l'exigeaient, ces tristes g?n?ralit?s.

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