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Read Ebook: Caillou et Tili by Mille Pierre

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Ebook has 668 lines and 43317 words, and 14 pages

Release date: September 3, 2023

Original publication: Paris: Calmann-L?vy, 1911

Credits: Laurent Vogel

PIERRE MILLE

CAILLOU ET TILI

PARIS CALMANN-L?VY, ?DITEURS 3, RUE AUBER, 3

CALMANN-L?VY, ?DITEURS

DU M?ME AUTEUR

Format in-18.

BARNAVAUX ET QUELQUES FEMMES LA BICHE ?CRAS?E LOUISE ET BARNAVAUX SUR LA VASTE TERRE LE MONARQUE

Droits de reproduction et de traduction r?serv?s pour tous les pays.

E. GREVIN--IMPRIMERIE DE LAGNY

PREMI?RE RENCONTRE

... C'?tait une pr?sence. Je le sentais pr?s de moi, depuis quelques jours. Invisible et bienveillant, il planait, fr?lait, enveloppait. Au fond, je n'ignorais pas qu'il d?t arriver. Chaque ann?e, t?t ou tard, il vient, mais je ne sais comment, c'est toujours par surprise, et il est si fort, avec son air tr?s doux, qu'il vous ?crase. Les gens font ce qu'ils peuvent pour s'occuper d'autre chose; il y a des gr?ves, il y a des r?volutions, il y a des arm?es en marche et des bateaux d'acier qui bougent. On voudrait croire que c'est l'important, on ne saurait; on sent dans tout son corps que tout cela n'est qu'une apparence: la v?rit?, la seule v?rit? ? laquelle on pense, c'est qu'il est revenu. Je vous parle du printemps.

Les premiers ? savoir qu'il est chez nous, par un ph?nom?ne myst?rieux, ce sont les objets inanim?s... J'ai eu une petite amie, une tr?s petite amie: elle n'avait que treize ans. Mais ne pensez pas ? mal, j'avais moi-m?me le m?me ?ge. Elle allait ? l'?cole communale, dans un faubourg de Paris, et on lui donna un jour un devoir de style ? composer sur le printemps. Elle me le fit lire. Je vois encore son ?criture anglaise, qui ?tait maladroite et enfantine. Et voici comment elle avait d?but?: <> J'?tais un petit gar?on qui avait d?j? lu trop de livres, je ne poss?dais plus que des id?es litt?raires sur le printemps, mon esprit ?tait fauss?: cette mani?re de parler me parut choquante. Aujourd'hui je la juge au contraire toute remplie d'un sens profond: quand le printemps va venir, les tables de caf? le savent, et elles sortent toutes seules pour prendre l'air. Il fait encore tr?s froid, le ciel est gris, tout le monde grelotte, tout le monde s'ennuie. Mais elles ont ?t? renseign?es par un instinct tr?s s?r; elles sortent bravement et font des signes aux panamas de Guayaquil qui ont saut? de leur bo?te pour se pr?cipiter ? la devanture des chapeliers.

Et apr?s les objets inanim?s, ce sont les infiniment petits qui sont avertis: les moucherons qui dansent au soleil, toute une poussi?re ail?e qui semble na?tre des herbes encore p?les et souffrantes. Je me suis longtemps demand? d'o? leur venait cet instinct proph?tique, et tant que je n'ai pas commenc? ? vieillir, je n'y ai rien compris. Mais ? mesure qu'on prend de l'?ge, il y a des sens qui s'aiguisent: c'est une compensation. On entend un peu moins bien, on y voit plus mal, mais l'odorat fait son ?ducation, il apprend ? reconna?tre dans l'air et dans les choses des parfums subtils qu'il ne distinguait pas auparavant. Voil? pourquoi, ainsi, que je sais aujourd'hui que le printemps s'annonce par une nouvelle odeur du vent, et quelques jours plus tard par celle de la terre. C'est le vent qui vous pr?vient d'abord, parce qu'il est grand voyageur, qu'il va tr?s vite, et qu'il th?saurise. Toutes les fois qu'il a pass? sur une pousse verte ou une petite fleur, il lui vole un peu de son haleine, va plus loin, et recommence. A la fin, quand il nous arrive, il est d?j? tr?s riche, et au premier rayon de soleil, tout ce qu'il porte avec lui s'exalte et se r?v?le. C'est ? ce moment qu'on se dit: <> L'intelligence n'y entend rien, mais quelque chose d'inconscient, dans l'ab?me de notre ?tre, ?prouve une esp?ce d'?motion frissonnante qui fait ouvrir les narines et battre le coeur. Cependant la terre est encore plus sensible que nous. Elle s'?chauffe ? son tour. Au del? des taches blanches, rouges et noires que font les villes, les charrues l'ont ouverte et retourn?e, et les mottes de gl?be jettent en s?chant vers le ciel l'expression d'une sorte de d?sir. C'est une odeur extr?mement vague, et pourtant tr?s certaine, fra?che, saine, all?gre et de la m?me nature, bien que plus l?g?re et plus fine, que celle des champs labour?s apr?s les grandes pluies de juillet et d'ao?t. Elle p?n?tre jusque dans les cit?s, ?tonnant ceux qui les habitent parce qu'ils n'en savent pas l'origine. On n'aper?oit encore rien sur le visage des hommes, mais les femmes prennent des traits, un teint, un port de taille tout neufs, un air ? la fois plus conqu?rant et plus hardi. Qu'on m'enferme, si l'on veut, durant des ann?es dans une prison sans fen?tre, o? je ne pourrais compter ni les jours, ni les saisons, mais qu'on me montre une femme: je saurai tout de m?me si le printemps est venu rien qu'? la fa?on dont elle marche, ? quelque chose dans ses yeux, et ? la fa?on dont elle respire. On a donc bien tort d'affirmer que les femmes ne sont pas sinc?res: elles ne cachent jamais rien de ce qu'il est r?ellement bon de conna?tre, et salutaire de ressentir.

Quelques jours plus tard, les bourgeons ont ?clat?, et les oiseaux sont revenus. Ce sont alors les bruits du monde ext?rieur qui changent. D'abord, ils ne sont pas les m?mes, et personne ne l'ignore; un univers o? les oiseaux n'ont plus de voix, o? les insectes ne bourdonnent pas, n'est pas semblable ? celui o? les moineaux saluent la lumi?re chaque matin, o? les mouches font de la musique en dansant; mais c'est aussi que les rumeurs les plus brutales sont toutes diff?rentes d?s qu'il leur faut passer ? travers les feuilles, tandis que l'air m?me est plus sonore parce qu'il est plus sec. Peut-?tre aussi parce qu'il est plus lumineux; car je suis persuad? que la lumi?re influe sur les sons, et qu'un violon ne chante pas de la m?me mani?re au grand jour ou dans l'obscurit?, par un temps gris ou quand le ciel est sans nuage, au printemps ou sous la neige. Tout cela est impond?rable, ind?termin?, impossible ? prouver; on n'en a que l'impression et le pressentiment; mais les forces les plus grosses de l'univers ne se composent que d'actions imperceptibles qu'on subit sans parvenir ? les mesurer, et il ne faut pas s'?tonner que le sang et la s?ve des v?g?taux, des b?tes et des hommes subissent d'incompr?hensibles changements, alors que dans l'obscurit? perp?tuelle et l'?galit? de temp?rature des celliers, le vin m?me est sensible ? la saison nouvelle, et s'?meut et bouillonne. Il y a, au moment du printemps, des correspondances inexplicables entre l'anim? et l'inanim?, des passages de l'un ? l'autre, des crises de r?surrection. Et l'esprit n'y peut rien saisir, il n'y a pas de phrases ? d?couvrir dans la nature, il n'y a pas de m?lodie. C'est seulement comme des accords qui s'encha?neraient les uns aux autres. Presque tous sont joyeux; mais brusquement il en ?clate quelques-uns qui sont path?tiques, d?chirants, et vous laissent p?n?tr?s d'un sentiment d'enthousiasme. On croit savoir pourquoi on vit: illusion, mais d?licieuse!

Je me souviens d'un pays, ? l'autre bout de la terre. L'ordre des saisons y est renvers?. Aussit?t que la fra?cheur de l'hiver y a disparu, le sol rouge s'y couvre de la floraison rose des p?chers sauvages; car les p?chers, introduits il y a moins d'un si?cle par les Europ?ens, s'y sont r?pandus avec une incroyable rapidit?. Vers le milieu de novembre, tous les sommets de ces r?gions incultes prennent la couleur des seins d'une femme amoureuse, et les petites filles qui descendent aux rizi?res arrachent en passant quelques-unes de ces branches fleuries. C'est le moment o? l'on comprend le mieux que les sentiments du peuple qui vit sur cette terre ne sont pas absolument diff?rents des n?tres, et que tous les pays o? il y a un printemps pourront un jour avoir la m?me ?me; les autres demeureront barbares.

On s'?tonnera que dans ces quelques lignes, o? il est parl? du printemps, il soit question de tout, except? d'amour... C'est que l'amour n'est qu'un des effets de cette r?surrection: il ne vient qu'? cause du reste. On dirait qu'on ouvre une porte, ? l'aube, dans une demeure sombre, o? une petite b?te c?line aurait err? toute la nuit pour savoir ce qui lui manque. Elle aper?oit la terre ?clair?e, l'espace et la vie, elle s'?chappe et bondit. Voil? tout. Mais c'est tr?s beau.

C'est un de ces jours tout jeunes que j'eus avec Caillou la premi?re conversation qui fit de nous de grands amis, malgr? la diff?rence d'?ge: il n'a pas encore cinq ans, et c'est le dernier n? d'une assez grande famille. Sa m?re, qui n'est pas bien riche, ni bien pauvre,--et c'est peut-?tre le pire, pour l'embarras que ?a donne, d'?tre encore des bourgeois qui ont un rang ? tenir, quand on a des enfants et qu'il faut les ?lever,--sa m?re m'avait affirm? l?g?rement que c'?tait lui-m?me, Caillou, qui s'est donn? ce nom, sans que personne sache pourquoi. Mais je ne l'avais crue qu'? moiti?, ? cause de la grande connaissance que je crois avoir de l'?me des petits hommes au-dessous de cinq ans. Je m'aime en eux, je me retrouve, je sais ? peu pr?s comment ils pensent et comment ils inventent. Voil? m?me pourquoi je suis persuad? qu'ils n'inventent rien compl?tement: ils ne font que d?former les id?es qu'on leur sugg?re. Je r?solus donc d'observer Caillou et d'en avoir le coeur net. Je sentis que j'approchais de la v?rit? le jour o?, dans le jardin des Tuileries, sous les bons vieux marronniers qui sont l?, Caillou, que je venais de faire enrager un peu, me dit s?rieusement:

--Tu m'emb?tes , tu m'emb?tes, et je vais t'?craser avec ma charrette.

La charrette de mon ami Caillou a co?t? un franc quarante-cinq au Bazar de l'H?tel-de-Ville, et mesure exactement dix-huit centim?tres. C'est ? peine si une b?te ? bon Dieu la sentirait passer. Et j'eus d?s ce moment l'intuition profonde de l'?me de Caillou: il a de l'imagination, encore plus d'imagination que les autres enfants de son ?ge. Quand il tra?ne sa charrette sous les marronniers, il a r?ellement sous les yeux un camion tr?s lourd, remorqu? par quatre chevaux vivants. M?me, je pr?sume qu'il pourrait d?crire la couleur de ces chevaux. Comme tous les grands po?tes, il refait en le magnifiant l'univers qui l'entoure. C'est alors que je fus sur la piste de plus grandes d?couvertes. Je l'interrogeai prudemment, et il me confia:

--J'suis un caillou, plus dur que tous les aut' cailloux. Quand j'tombe, j'leur fais du mal.

Son petit front, ses genoux et ses bras ?taient couverts de bosses. Il y en avait de bleues et de vertes, les plus anciennes, d'autres ?corch?es, d'autres enfin toutes fra?ches, rondes et gonfl?es. On lui avait dit, une fois qu'il pleurait apr?s une chute sur le gravier des Tuileries: <> Et il en avait ?t? consol?, par esprit de vengeance; il avait vu ces petites pierres souffrir, et souffrir plus que lui; il s'?tait consid?r? s?rieusement comme une esp?ce de caillou plus lourd, qui faisait du mal aux autres, au prix de petites douleurs qu'il lui ?tait alors ais? de supporter courageusement! C'est ainsi que coulait sa vie, h?ro?que et glorieuse, au milieu des batailles qu'il livrait aux choses.

A partir de ce moment, je d?cidai que Caillou ?tait un grand petit homme selon mon coeur et je le d?clarai ? sa m?re. Elle en fut naturellement flatt?e, mais sans montrer d'enthousiasme ext?rieur parce qu'elle est habituellement occup?e de choses importantes et press?es. Chez elle ou aux Tuileries, je la voyais toujours tirer, d'un grand panier ? ouvrage, de petites culottes, de petites vestes de marin, et aussi de petites jupes et de petits corsages. Et l?-dedans elle coupait, taillait, cousait infatigablement, gardant toujours dans sa t?te la taille respective de ses rejetons. Car lorsqu'on a une si nombreuse post?rit?, il faut poss?der l'esprit d'organisation. Quand le num?ro un avait grandi, on faisait pour lui l'emplette d'un nouveau v?tement, mais l'ancien n'?tait pas perdu: il passait au num?ro deux, avec de petites modifications, et souvent ensuite au num?ro trois ou au num?ro quatre, le num?ro trois ?tant une fille qu'il e?t ?t? choquant de voir autrement qu'en jupes. Pour les derniers, les combinaisons ?taient plus faciles: les sarraux et les tabliers de la petite enfance n'ont pas de sexe. Voil? pourquoi mon ami Caillou portait tranquillement un costume qu'il avait vu l'ann?e pr?c?dente sur le dos de sa soeur Lucile. Il avait d'autres affaires en t?te et ne s'en inqui?tait gu?re.

Mais il vint un jour o? je ne trouvai aux Tuileries que sa m?re toute seule.

--Il n'est pas malade, notre Caillou, r?pondit-elle ? mon interrogation. Seulement, au moment de partir, sans cause il a fait une sc?ne, une sc?ne... J'ai d? le laisser ? la maison. Cependant, je puis me tromper, il est peut-?tre malade tout de m?me, ajouta-t-elle, soucieuse.

Et j'appris, la semaine suivante, que Caillou ?tait m?chant quand il n'?tait pas triste, et triste quand il n'?tait pas m?chant. Son caract?re changeait, il ?tait tout sombre.

--D?cid?ment, avait dit sa m?re, il est malade.

C'est tr?s difficile de savoir ce qu'ont les tout petits. Ils ne savent pas s'expliquer. Tout leur corps, depuis le cou jusqu'aux jambes, ils l'appellent ordinairement leur ventre, et beaucoup, quand ils ont mal aux dents, disent qu'ils ont mal ? la t?te. Le m?decin fit d?shabiller Caillou et l'ausculta de tous les c?t?s, sans rien y comprendre. Il lui demandait:

--Qu'est-ce que tu as, Caillou? Pourquoi ne manges-tu pas ton oeuf et ta bouillie d'avoine?

--Elle n'est pas bonne! r?pondit Caillou.

--Elle est tr?s bonne, protesta sa m?re indign?e. C'est la m?me qu'il y a quinze jours.

Alors le m?decin d?clara que c'?tait de l'embarras gastrique et qu'il fallait purger cet enfant. Caillou avala des pilules qui n'ont pas de go?t, trouva qu'elles avaient du go?t, cracha, fit pour le reste ce qu'on demandait de lui et demeura m?lancolique. Ce n'?tait pas ?a!

Alors le m?decin fut encore rappel?, et d?shabilla de nouveau Caillou sans rien voir. Mais il dit:

--?a doit ?tre des vers!

Et Caillou prit de la santonine. Il se laissa faire gentiment, et aussi avec un sentiment d'importance qui le rass?r?nait un peu. Mais on se rendit compte bient?t, d'une fa?on incontestable, que ce n'?tait pas des vers: il retomba dans le marasme et sa famille dans l'inqui?tude. Sa m?re me dit ? la fin:

--Allez le voir. Il vous aime, il sent que vous ?tes son ami, et je crois qu'il a quelque chose sur le coeur qu'il ne sait comment dire. Enfin vous le confesserez, car c'est maintenant comme s'il se m?fiait de nous.

J'allai voir mon ami Caillou. La plupart des petits gar?ons ne sont pleinement heureux que lorsqu'ils ont une affection en dehors de chez eux. Et l'objet de cette affection est g?n?ralement un homme. C'est d'abord parce qu'ils ne savent pas, et ?a vaut mieux. C'est aussi parce qu'ils sont fiers d'avoir un ami dont ils pensent qu'ils seront comme lui plus tard: aussi grands et aussi beaux; je veux dire barbus. Caillou vint ? moi la main tendue, sa ch?re bouche ? la fois ouverte et r?tr?cie pour un baiser, les yeux brillants et sa petite poitrine gonfl?e d'une amoureuse confiance. Il portait toujours le sarreau l?gu? par sa soeur Lucile.

Nous caus?mes d'abord des sujets graves qui nous int?ressent tous les deux: d'un chien qui est notre ami, d'un bateau sous-marin qui a fait naufrage l'autre jour dans le bassin des Tuileries, et d'une petite fille. Puis il me dit, de lui-m?me:

--Mon vieux, vois-tu, j'ai du chagrin.

Je lui avais mis le bras autour des ?paules, pour l'embrasser, virilement, afin qu'il s?t bien que je le traitais comme quelqu'un de mon ?ge. Mais il fondit en larmes, comme un gosse, comme un bon petit gosse qu'il est. Je disais, vraiment ?mu:

--Mais qu'est-ce qu'il y a, Caillou? Voyons, dis-moi ce qu'il y a!

Il sanglotait bien fort, sans pouvoir r?pondre. A la fin pourtant il me dit, si bas que personne except? moi ne pouvait entendre:

--Toute la semaine je suis habill? comme tu vois, avec les choses de Lucile. Et le dimanche, on me met une culotte et un jersey...

--Eh bien, Caillou?

--Eh bien, fit-il, ?clatant, comment veux-tu que je sache si je suis un gar?on ou une fille, maintenant? Qu'est-ce que je suis, qu'est-ce que je suis?...

CAILLOU ET LES FEMMES

Lorsque Caillou se trouva d?finitivement habill? en homme, c'est-?-dire assur? de son sexe, il reprit avec rapidit? sa belle humeur et sa bonne gr?ce. La seule chose qu'il persista toujours ? ne pouvoir souffrir, c'est qu'on f?t devant lui allusion aux doutes qu'il avait un instant nourris sur sa virilit?. Devant les enfants--cette pr?caution est essentielle--ne racontez jamais les histoires qui leur sont arriv?es: s'ils sont dispos?s ? l'affectation et ? la vanit?, vous en ferez de petits acteurs; s'ils sont fiers, d?licats, chatouilleux de leur ?me, vous blesserez leur susceptibilit?. Car vous aurez beau faire, jamais vous ne conterez l'histoire comme ils l'ont sentie, vous ?tes trop diff?rents d'eux-m?mes, vous ne leur rendrez pas justice; et ainsi ils penseront que vous vous moquez de leurs chagrins ou de leurs soucis, que vous ne prenez au s?rieux ni leur personne--il n'y a pas d'?tre humain au monde qui soit plus solitaire et par cons?quent plus orgueilleux qu'un enfant--ni l'univers qu'ils sont en train de se construire en mosa?que, je veux dire en sensations ajout?es les unes aux autres: beaux fragments lumineux des choses, gemmes pr?cieuses qu'ils amassent perp?tuellement.

D?s que Caillou fut s?r d'?tre un homme, il se conduisit en homme. Entendez par l? qu'il m?prisa du coup ses soeurs ou du moins ne leur accorda plus qu'une m?fiance un peu d?daigneuse.

--Caillou, lui dis-je un jour, il me semble que tu n'es pas gentil avec Lucile. Et pourtant c'est ton a?n?e, et elle est si bonne pour toi.

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